Doc. : la première génération d’historiens

samedi 20 août 2016
par  Julien Daget
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Consigne : après avoir présenté puis analysé (expliqué) les deux documents, vous montrerez que ces façons de voir la collaboration et la résistance françaises sont un peu datées et qu’elles ont évolué depuis.
Méthode : l’analyse de doc(s)


La mémoire de la collaboration et de Pétain

L’honneur qu’allègue le maréchal Pétain, c’est l’honneur d’un gouvernement qui a su maintenir les données de son indépendance et protège les populations ; en un mot, c’est l’honneur civique. Celui qu’invoque le général de Gaulle, c’est l’honneur militaire pour qui s’avouer vaincu est toujours infamant. De ces honneurs, il se peut que l’un soit plus impérieux, plus instinctif, plus spontané. L’autre existe, sur un mode sans doute moins éclatant, mais il est pourtant réel. Le premier correspondait à l’aventure exaltante, mais d’apparence désespérée, dont Charles de Gaulle est l’annonciateur. Le second à l’épreuve lente et douloureuse dont Philippe Pétain ne prévoyait ni la durée ni la fin. Tous deux étaient également nécessaires à la France. Selon le mot que l’on prêtera à Pétain et à de Gaulle : « le Maréchal était le bouclier, le Général l’épée. »

Ainsi Montoire [1] ne peut être apprécié seulement comme un acte politique ; son aspect psychologique et humain est peut-être l’essentiel. Ni « Verdun diplomatique », puisqu’il n’a pas suffi à arrêter la pression des occupants, ni acte de trahison, puisqu’en fait le Maréchal s’y est rendu pour protéger les Français, cette entrevue a causé une des équivoques les plus graves qu’ait connues notre pays, une des atteintes les plus profondes qu’ait subies son unité.

Robert Aron (1898-1975) et Georgette Elgey (1929-), Histoire de Vichy : 1940-1944, Paris, Arthème Fayard, coll. « Les Grandes études contemporaines », 1954 (réimpression en 1960, 1966, 1974 et 1976), 766 p.


La mémoire de la résistance gaulliste

À l’origine, il y eu la volonté de ceux qui se réclamaient du général de Gaulle pour maintenir la France en état de guerre. Un peu étroite idéologiquement, dans son inspiration « d’union sacrée », elle offrait en revanche, le cadre le plus large pour les recrutements les plus divers. […] Les Français qui, hors de France, conservaient leur liberté d’action et ceux qui, en France, éprouvaient en tâtonnant, pour les abattre, les murs de la prison qu’était devenu leur pays, marchaient à l’aveuglette les uns au devant des autres, et leur point de mire, puis de rencontre, fut le général de Gaulle […]. C’est à Londres, dans la France libre, que cette mystique est née. Elle va au-delà de l’obéissance et du respect du soldat à son supérieur, jusqu’à un engagement de fidélité à sa personne, une sorte de contrat d’homme lige à son suzerain.
Ainsi se profilait, dans la Résistance déjà, l’attente confuse d’une résurrection, si les temps d’apocalypse devaient revenir, du « sauveur » de juin 1940.

La Résistance, ce fut […] aussi autre chose – la fourmilière nationale, grouillante de millions de gestes obscurs, humbles, inefficaces parfois, toujours dangereux, hélas ; certains [de ces hommes], hissés au dessus d’eux-mêmes, devinrent des héros sans l’avoir recherché – mais tous avaient vocation à l’être.

Henri Michel (1907-1986), La guerre de l’ombre : la Résistance en Europe, Paris, Bernard Grasset, 1970, 420 p., p. 366-367 et 378.


La première génération d’historiens
une page ; CC BY-NC-SA.

[1Philippe Pétain rencontra Adolf Hitler le 14 octobre 1940 dans la gare de Montoire-sur-le-Loir, marquant ainsi le début de la collaboration.