Doc. : le Parti communiste français et la Résistance

vendredi 12 août 2016
par  Julien Daget
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Consigne : en étudiant le document ci-dessous, expliquez pourquoi il y a ici conflit entre mémoire et histoire et comment elles peuvent être instrumentalisées. Ne pas oublier de présenter le document, ainsi que d’en montrer l’intérêt et les limites.
Méthode : l’étude critique


Le « Parti » et la Résistance

Le rôle du PCF dans la Résistance a longtemps été un enjeu politique. Après guerre, des polémiques sont nées, dans le contexte de la guerre froide, en particulier avec les gaullistes. Il s’agit d’une époque où le PC représente un bon quart de l’électorat. Les critiques à l’égard du parti de Maurice Thorez portent sur plusieurs points : la demande de reparution de L’Humanité en juin 1940 ; l’« appel du 10 juillet », présenté par les dirigeants communistes comme la preuve de leur choix de la Résistance dès l’été 1940 ; la date d’entrée des communistes dans l’action armée, avant ou après l’attaque allemande contre l’URSS en juin 1941.

Les travaux des historiens ont apporté des rectifications. Sur la demande de reparution de L’Humanité, le discours du PCF a d’abord consisté à nier ou à rejeter cette initiative sur des militants égarés. En décembre 1947, face aux interrogations de Pierre de Chevigné, député centriste et compagnon de la Libération, Jacques Duclos répond que « tout cela est une affaire de police et de flics ». Pourtant, l’attaque subie devant l’Assemblée nationale va porter. En 1949, une enquête interne au PCF, gardée secrète, conclut que, de « la fin juin 1940 à octobre 1940, une orientation politique comportant de graves erreurs a été impulsée ».

Parmi les boucs émissaires, Maurice Tréand se tait. Jean Catelas, qui a aussi participé aux négociations, a été tué par les Allemands. Cette politique, comme l’a montré Roger Bourderon (La Négociation : été 1940, éd. Syllepse, 2001), était celle de l’Internationale communiste et de Staline. Les communistes, malgré des nuances, suivaient la ligne. À l’exception du journaliste Gabriel Péri, qui refusa de se commettre dans ces négociations. Sur l’« appel du 10 juillet », les historiens Jean-Pierre Besse et Claude Pennetier présentent un document accablant. Il s’agit de la photographie d’un numéro de L’Humanité clandestine daté du 10 juillet 1940 et comportant le fameux appel, signé Jacques Duclos et Maurice Thorez. Or il s’agit d’un faux, fabriqué dans les années 1950, selon les auteurs, pour accréditer une orientation politique qui, en fait, ne fut adoptée qu’au printemps 1941 : l’union des communistes avec les autres mouvements de Résistance.

Quant à l’entrée massive des communistes dans l’action armée, la majorité des historiens estime qu’elle intervint à l’été 1941. Le PCF s’est présenté, après la guerre, comme « le parti des 75 000 fusillés ». Jean-Pierre Besse et Thomas Pouty, dans Les Fusillés, répression et exécutions pendant l’Occupation 1940-1944 (éd. l’Atelier), estiment que 4 520 personnes ont été fusillées, en France, pendant la guerre, dont 80 % à 90 % de communistes.

Michel Lefebvre, « Le « Parti » et la Résistance », Le Monde, 10 décembre 2006 [1].


Étude critique

Dès l’été 1944, les Français et notamment les politiciens construisent, selon l’expression d’Henry Rousso, un « mythe résistancialiste » qui met en valeur une population soutenant presque unanimement la résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale, passant sous silence certaines vérités. Cette vision de l’histoire est très progressivement attaquée, déclenchant d’âpres débats qui n’épargne aucun aspects. 60 ans après les faits, en décembre 2006, alors que commence la campagne électorale pour la présidentielle, un article du journal Le Monde remet en cause l’attitude du Parti communiste français (PCF) au début du conflit. Pourquoi y a-t-il ici conflit entre mémoire et histoire ? Nous analyserons d’abord la mémoire résistante du PCF, puis nous verrons comment certains historiens brisent un mythe.

La mémoire résistante du PCF :

  • l’entrée en résistance très tôt, les appels du 17 juin et du 10 juillet 1940 (concurrent de celui du 18 juin) ;
  • la participation majeure du PCF à l’action, d’où le « parti des fusillés », présentés comme des martyrs (Guy Môquet) ;
  • la propagande pendant la guerre froide, rejet de toute remise en cause forcément anti-communiste, mémoire falsifiée.

La remise en cause par des historiens :

  • le pacte germano-soviétique, obéissance à l’Internationale communiste, d’où l’entrée en résistance seulement pendant l’été 1941 ;
  • la demande de reparution de L’Humanité en 1940 et le faux appel de Thorez (déserteurs depuis 1939, à Moscou jusqu’en novembre 1944) et de Duclos ;
  • le gonflement du chiffre des fusillés (75 000 ou 4 500 ?) et du rôle de la résistance communiste (attentats entrainant des exécutions d’otages).

Conclusion
Il s’agit d’un sujet polémique ayant des répercutions politiques, que soit pendant la guerre froide (le PCF est alors le premier parti de France) ou en décembre 2006 (au début d’une période électorale). Le document illustre les conflits qu’il peut y avoir entre la mémoire, forcément subjective, et l’histoire, pas toujours objective. La manipulation de la mémoire et de l’histoire est d’un usage courant en politique.

L’article montre que l’auteur n’est pas vraiment un partisan du PCF, visible dès le titre avec les guillemets de part et d’autre du « Parti » ; la majuscule n’est pas innocente, il s’agit d’une remise en cause de l’importance de ce parti politique. Le même journal (de centre-gauche) et l’auteur de l’article insistent en faisant publier au moins un autre article sur le sujet : « Quand le PCF négociait avec les nazis », dans Le Monde du 9 décembre 2006 [2]. Il y a évidemment une réponse à ces attaques : Annie Lacroix-Riz, Réaction à l’article de Michel Lefebvre : le PCF entre assaut et mea culpa : juin 1940 et la résistance communiste [3].


[1Réédité dans Didier Giorgini, Cédric Oline, Mélanie Mettra-Geoffret et Sandrine Henry, Réviser son bac avec Le Monde : histoire, Paris, rue des écoles, coll. « hors-série Le Monde », mars 2014, 97 p., p. 13.

[2Michel Lefebvre, « Quand le PCF négociait avec les nazis », Le Monde, 9 décembre 2006. http://www.lemonde.fr/societe/article/2006/12/09/quand-le-pcf-negociait-avec-les-nazis_843769_3224.html

[3Annie Lacroix-Riz, Réaction à l’article de Michel Lefebvre : le PCF entre assaut et mea culpa : juin 1940 et la résistance communiste, 2007, 30 p. http://www.historiographie.info/Le%20pcfentreassautetmeaculpav2.pdf


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