Doc. : Londres en 1860

lundi 24 juillet 2017
par  Julien Daget
popularité : 1%

Ce sujet est tombé en métropole lors de l’épreuve anticipée du bac S le 18 juin 2013.

Consigne : montrez que ce document témoigne des différentes formes de la domination britannique sur l’économie-monde au milieu du XIXe siècle.
Méthode : l’étude critique


Londres en 1860

D’abord on est ébloui des richesses et des merveilles de Londres, mais bientôt on s’aperçoit que cette Babylone se compose de plusieurs villes entièrement distinctes et n’ayant guère rien de commun que le dôme de fumée qui les recouvre. Chacun de ces quartiers forme comme un monde à part qu’il faut étudier séparément. [...] Le principe de la division du travail qui a fait la puissance de l’Angleterre, a été introduit à Londres avec la rigueur la plus impitoyable dans la hiérarchie des classes et dans la distribution de leurs demeures.

D’un côté, sur le bord de la noire Tamise, toute grouillante d’embarcations, sont les quartiers du grand commerce avec leurs processions de navires, leur ignobles jetées, encombrées de marchandises, leurs docks où sont empilées des richesses suffisantes pour acheter un royaume d’Asie ou d’Afrique. Dans les faubourgs de l’est et du nord sont les quartiers industriels avec leurs ruelles sombres et tortueuses, leurs montagnes de houille, leurs fabriques toujours frémissantes, leurs cheminées qui plongent dans un éternel brouillard de charbon, leur population hâve [1] et déguenillée qui se traîne dans la dégradation la plus abjecte.

Au centre de Londres résident les innombrables shopkeepers [2] et marchands de toute espèce, qui sont le fond même de la nation et dont les magasins et les échoppes, mis bout à bout, feraient le tour de l’Angleterre. Ils ont pour club, pour centre de réunion, le quartier de la Cité où leur banquiers, pressés à l’étroit, dans les ruelles sombres qui environnent la Bourse et la Banque, voient affluer dans leurs comptoirs l’or de tous les continents. Là se concluent en quelques heures les opérations les plus gigantesques et s’ourdissent [3] sans bruit des spéculations commerciales qui entraînent les conséquences les plus importantes et font davantage pour la ruine et la prospérité des empires que toutes les subtilités des diplomates.

Élisée Reclus, Guide du voyageur à Londres et aux environs, Paris, Hachette, 1860.


[1Hâve : maigre et pâle.

[2Shopkeeper : boutiquier.

[3S’ourdissent : se préparent.


Documents joints

Londres en 1860